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les images qui illustrent ce voyage et quelques autres sont en grand
format dans les galeries
Ce
début d'année académique n'a pas été
extraordinaire, et mon moral n'est pas au top. J'ai envie de partir
quelques jours fin octobre pour le congé de Toussaint. Pour ce
voyage, j'ai envie de me lancer un petit défi, partir dans un
pays dont je ne connais presque rien pour de préférence
faire un peu de montagne. Prague s'impose assez rapidement comme point
de départ et d'arrivée d'un voyage d'une dizaine de jours.
Contrairement à mon habitude, je ne prépare presque rien,
j'ai juste repéré au nord-est de Prague, quatre Bigs potentiels
sur la frontière polonaise. Les informations météorologiques
annoncent de la neige dans le coin, on verra sur place ce qui est faisable.
J'ai un billet d'avion aller-retour sur Prague, et la garantie de la
compagnie de pouvoir transporter mon vélo à condition
de l'emballer. Pour l'aller, pas de problème, mon vélociste
m'a fourni une grande caisse, je dois juste démonter guidon,
pédales et selle et dégonfler les pneus pour l'emballage.
Pour le retour, il faudra laisser ma caisse en consigne à l'aéroport,
pour la récupérer avant de rentrer.
Heureusement pour moi qui n'ai jamais été un champion
de mécanique Grimp'tout est assez facile à monter et démonter.
Je l'emballe la veille du départ, espérant ne rien avoir
oublié. Pour les sacoches au nombre de 5, j'ai acheté
un énorme sac de voyage qui peut les contenir toutes. Je garde
la sacoche de guidon comme bagage de cabine.
Le matin du départ, je me lève très tôt,
je veux être en avance à l'aéroport pour éviter
tout problème avec mon encombrant bagage.
J'ai donc droit à une très longue attente dans la zone
"free tax", bof rien de très excitant !Une fois dans
l'avion, je n'ai qu'une seule inquiétude, Grimp'tout est-il en
sécurité ? Sans lui, mon voyage serait foutu. De toute
façon, je ne peux rien y faire, alors autant profiter du vol,
d'autant plus que l'avion est loin d'être plein et qu'on dispose
de toute la place pour s'installer. J'atterris à Prague peu avant
midi, selon le pilote il fait près de 0°C au sol mais la
couche de nuage est assez faible si bien que le soleil brille. Je récupère
assez vite mes bagages, je remonte Grimp'tout à l'aise dans l'aéroport,
le charge et c'est parti. Il est un peu plus de 13 heures. Un km après
avoir quitté l'aéroport, je bifurque pour prendre une
petite route vers le nord, c'est du pavé, cool j'adore ça,
le voyage commence bien. Très rapidement, voilà le retour
d'un bitume très convenable qui recouvre l'immense majorité
des routes tchèques. Je roule relativement bien par ces petites
routes de la campagne fertile, les couleurs automnales sont superbes.
Par contre les villages autour de Prague sont tristes et mal entretenus,
des séquelles des années sombres. J'ai décidé
de faire une relativement courte étape pour le premier jour,
j'ai envie de m'arrêter tôt pour prendre contact avec le
pays. Le Guide du Routard renseigne un camping à Veltruzy, je
cherche un peu, mais
il semble que le camping soit fermé en cette saison, je reprends
donc la route pour m'arrêter rapidement devant le panneau "Penzion"
d'une chambre chez l'habitant. Je sonne, la maîtresse de maison
m'ouvre, elle parle anglais et m'explique que c'est complet pour la
nuit. Son mari arrive, lui, il s'intéresse plus à mon
moyen de transport et à mon chargement. Il entreprend un dialogue
avec sa femme dans lequel je crois comprendre être le sujet principal.
Après quelques minutes, tout s'arrange, on va me préparer
la chambre de la fille de la maison qui est en vacances. Mon vélo
déchargé de ses bagages est rangé dans une remise
fermée, moi je suis au chaud, tout va bien. La "penzion"
offre le petit-déjeuner compris, pas le dîner, mais la
patronne me conseille un petit restaurant. J'y mange bien quoi-qu'un
peu à l'aveuglette dans la carte bilingue tchèque-allemand.
Je me couche tôt pour me lever frais le lendemain.
Le deuxième jour, je me lève donc vers 7 h 30 pour attaquer
ma deuxième étape. La journée commence par un petit
déjeuner fait de pain, de fromage, de charcuteries, et de gâteau
qui vaut le prix de la chambre. Seul le café est infâme
mais ça, ça fait partie des choses que je savais avant
de venir. Je prends la route vers 9 heures, le thermomètre indique
0°C, je m'attendais à moins, c'est parfait. Je décide
de continuer vers le nord-est vers Melnik par les petites routes
Je fais une bonne quinzaine de km de détour à la recherche
d'un pont qui n'existe pas et que ma carte renseigne pour finalement
traverser la Vlata comme tout le monde sur le pont de la grand-route
qui mène de Prague à Melnik. Je commence à avoir
faim, je décide donc de rejoindre Melnik par la route la plus
courte, c'est-à-dire de rester sur la grand-route. Le trafic
est dense, tant en voitures qu'en camions mais à aucun moment
je ne me
sens en insécurité. Les Tchèques conduisent prudemment,
ils ralentissent avant de dépasser, déboîtent franchement
pour le faire en utilisant leur clignotant, même pour se rabattre!
Plusieurs fois pendant tout le voyage, des automobilistes ou camionneurs
parcourront d'assez longues distances au ralenti derrière moi
avant de me dépasser à un endroit sûr. L'entrée
de Melnik est affreuse et industrielle, une sucrerie odorante me rappelle
des odeurs de ma région
Le centre ville par contre est
mignon, mais j'ai trop faim. Je me trouve un petit resto sur la place,
où je peux ranger Grimp'tout en sécurité dans une
cour intérieure pendant que je mange. Après le repas,
je visite un peu la ville, et rencontre un groupe de touristes français
qui s'inquiètent pour moi, seul à vélo sans moteur
par ce froid. Moi je rigole, tout va bien. Je reprends la route à
mon aise en début d'après-midi avec pour objectif une
"Penzion" à Mseno. La route devient un peu plus grimpante
et forestière. C'est superbe. Il tombe quelques flocons de neige
fondante, rien d'alarmant. Mseno est une petite cité ouvrière
délabrée qui n'a pas un charme, seuls deux bâtiments
anciens et pas trop mal conservés émergent du lot. Je
ne trouve pas de pension et je continue donc ma route pour quelques
km. C'est finalement, presque 20 km que je dois encore ajouter avant
de trouver une pension ouverte où il y a de la place pour moi.
Seul problème, le patron est en ville et en a encore pour une
heure avant de revenir. Je me couvre de mes deux polaires et de mon
pantalon molletonné, il fait frais et humide dans la forêt,
j'ai peur de prendre froid en attendant. Quand
il arrive, il était temps, je mets rapidement Grimp'tout en sécurité
et me réfugie sous une douche bien chaude. Pendant ce temps,
bien que les cuisines soient fermées, on me prépare un
énorme thermos de thé bien chaud et un bon repas de cycliste
accompagné de quelques bières. Je passe la soirée
à écrire dans mon carnet devant la télévision
tchèque, espérant un aperçu de la météo
à venir, mais en guise de météo, c'est plutôt
des résultats de football dont je dois me contenter.
Le troisième jour, je démarre vers 9 h, après un
petit déjeuner de cycliste, petits pains chauds, charcuteries,
fromage, confiture, miel et un café moins mauvais qu'ailleurs
ou alors je m'habitue déjà. La météo semble
s'être nettement améliorée depuis la vieille, il
fait plus froid mais il fait beau. Le soleil et le ciel bleu, contribuent
à donner des couleurs fabuleuses au feuillage automnal
Je commence la journée par une jolie ascension forestière
bordée de petits lacs gelés, je passe quelques charmants
petits cols sans nom. Je flâne, je ne suis plus cyclo-touriste
mais touriste-cyclo, je m'arrête souvent pour contempler le paysage,
la nature est en feu, un feu beaucoup plus doux que celui des incendies
de cet été caniculaire. Ce feu de l'automne ne détruit
rien, il est juste la fin d'un cycle. Par contre, il ne réchauffe
que le regard et sur le sommet, un petit vent froid m'oblige à
bien me couvrir. J'ai envie de rester partout où je passe, je
n'avance que parce que j'espère que plus loin ce sera au moins
aussi beau, peut être encore plus
Je visite le centre de
la petite ville de Doksy, calme et presque sans voitures, la place principale
invite à la flânerie, j'en fais le tour, tout à
mon aise en poussant Grimp'tout, les quelques passants me regardent
d'un air étonné. Je reprends ensuite la route vers Minon,
où je décide de me trouver à manger. Le bilan de
la matinée est riche, le spectacle naturel a été
superbe et les acteurs nombreux, on y dénombre quelques chevreuils,
et écureuils, parfois de très près, et de nombreux
oiseaux indéterminés. Mon critère pour choisir
une auberge est, la sécurité de Grimp'tout et de ses bagages.
Il me faut donc trouver une salle à manger, d'où je puisse
surveiller la bête. Je rentre finalement dans un établissement
pourvu d'une fenêtre devant laquelle se repose ma monture. Je
m'installe et demande à manger. Le patron me montre le tableau
sur lequel est écrit, "Toust 15 Czk",
bon ben va pour le toust. 15 couronnes, soit 50 Euro-cents, ce n'est
pas encore ce midi que je vais me ruiner. Quand on me le sert, j'apprends
que le toust est une saucisse au paprika accompagnée de pain
de campagne et de moutarde. Ce n'est pas mauvais et ça tient
au corps. L'après-midi, me conduit sans histoire vers Krizani,
j'ai pensé pouvoir rejoindre encore Liberec, mais pour cela,
il reste une vingtaine de km et un col de 6 km au sommet duquel on aperçoit
de la neige. C'est trop. Je me suis arrêté au premier panneau
"Zimmer Frei" que j'ai aperçu, c'est une des meilleures
idées j'ai eue pendant ce voyage. Quelle soirée! Du genre
de celles qui valent un voyage! Lida, 75 ans m'ouvre la porte, elle
m'accueille en allemand dans le studio qu'elle loue en guise de chambre.
J'ai à ma disposition, tout un appartement, 2 chambres, salle
à manger, cuisine et salle de bain. Pour entrer, je dois enlever
mes chaussures et Lida m'offre une bouteille de limonade et des pantoufles
trop petites pour moi, j'ai quelques peines à la convaincre que
tout ira bien si je reste en chaussettes. Par contre, elle apporte de
vieux vêtements à étaler sur le sol, pour y installer
Grimp'tout sans qu'il ne salisse le studio. Je lui demande, où
il est possible de manger pour le soir. Elle parait ennuyée mais
me répond qu'elle va me préparer un souper. Je suis un
peu gêné mais je n'ai pas du tout envie de me préparer
ma "bouffe de réserve" ce soir. De toute façon,
le temps de réfléchir à la situation, Lida est
déjà remontée et je l'entends s'activer à
la cuisine. Je prends une bonne douche et me consacre à quelques
écritures dans mon carnet.
Petr, le petit-fils de la maison descend timidement me chercher, je
le suis pour déboucher dans la salle de séjour familiale.
Sur la table, ma place est installée, et Lida s'empresse de me
servir une immense assiette de bouillon dans lequel nagent divers légumes
et des mies de pain abondantes. Ensuite, viennent deux énormes
filets de poulet pannés accompagnés d'une salade, d'un
demi-kg de pommes de terre arrosées de beurre fondu et d'une
bière. Ensuite, libérée du travail de la cuisine,
Lida vient s'installer près de moi et commence à me parler,
elle veut tout savoir d'où je viens, où je vais, pourquoi
je fais ça, pourquoi seul..? Si je suis marié, si j'ai
des enfants, ce que je fais comme métier..? Nous parlons un mélange
de plusieurs langues, l'allemand, le tchèque et le mime principalement.
J'aurai aussi recours au dessin pour expliquer qu'Hadrien fait du vélo
dans une remorque
Ensuite Lida me parle d'elle, de sa famille,
de son village, de son pays
Soudain, elle se lève et revient
avec une grande enveloppe qui contient les photos du mariage de son
fils en Floride. Elle me parle aussi d'un voyage à Amsterdam
qu'elle a fait pour rendre visite à de la famille, ce qui l'a
le plus marquée : les champs de fleurs, les coffee shop et la
prostitution. Plusieurs fois, elle me parle de la période du
communisme qui a tout détruit dans le pays, de son travail, 30
ans dans un restaurant communautaire. Elle me propose un café
tchèque, avec tellement d'insistance que
je finis par accepter. Le café tchèque familial est en
fait un café turc, ce qui n'est pas tout à fait ma tasse
de thé! Mais en laissant un peu décanter le marc ce n'est
pas si mauvais que ça. Comme je semble apprécier sa mixture,
Lida m'offre un paquet d'un demi-kg, pour qu'il m'en reste au retour
en Belgique et que Valérie puisse goûter me dit-elle. Je
dois me battre pour refuser, prétextant le poids, et l'encombrement
de mes sacoches. Lida ne se laisse pas abattre, elle se lève
avec le paquet de café, se dirige vers l'armoire et le range
ouf je respire !Mais elle a trouvé un paquet de 250 gr et revient
à la charge. Je dois finalement capituler. Ensuite, elle m'offre
le dessert, un verre de vin blanc tchèque pas mauvais du tout
et un digestif local. Je fais quelques photos que je promets d'envoyer
et nous nous séparons de bonne heure, je suis fatigué
et je voudrais me coucher tôt, je tente d'oublier le café
mais c'est encore raté. Franchement, avec la soirée que
je viens de passer, je ne regrette pas du tout de m'être arrêté
avant le col
j'aurais raté un des grands moments du voyage.
Le lendemain matin, je m'attends à tout pour le petit déjeuner,
celui-ci risque de me suffire pour la journée. En effet, sur
la table on trouve une quinzaine de tartines de charcuteries, Lida me
prépare un café puis elle s'active encore à la
cuisine, pour m'apporter une énorme omelette aux oignons et fromage
accompagnée d'une salade de tomates et poivrons. Je sors de table
rassasié. Lida m'a aussi préparé un pique-nique,
deux filets de poulets pannés froid, dignes de ceux de la veille,
quelques tartines et deux pommes. J'enfourche mon vélo vers 9
h pour attaquer le col. Il fait gris, il tombe quelques flocons de neige
fondante et le plafond est bas, très bas, Lida m'annonce,
un peu inquiète, de le neige sur le sommet, je m'en doute un
peu mais je prends quand même la route. On verra en chemin. Vers
600 m d'altitude, la neige n'est plus fondante, elle tient, même
sur la route. Une fine couche qui s'épaissit doucement pour atteindre
5 cm au sommet. Je monte doucement, alors que la neige continue de tomber.
Je croise, ou me fais dépasser par quelques voitures, si elles
passent, je passe. Il y aura même un automobiliste qui proposera
de m'emmener car la route est vraiment trop mauvaise pour faire du vélo,
je refuse poliment. J'effectue une descente prudente, à peine
plus vite que la montée et je décide de m'arrêter
à Liberec après seulement 21 km. Compte tenu de la météo,
devenue pluvieuse dans la vallée, je vais faire le touriste et
visiter Liberec. Je m'installe dans un hôtel du centre ville et
pars à pied pour visiter. On est dimanche, les Tchèques
se promènent et semblent ne pas avoir de but précis, moi
non plus. Je trouve un café Internet et m'arrête pour envoyer
quelques messages et consulter des sites météo, l'avenir
semble meilleur. Je flâne dans la ville, je rentre dans une librairie
ouverte, j'y trouve des cartes d'itinéraires cyclistes de Tchéquie,
j'en achète 2, surtout pour avoir les références
pour un prochain voyage car l'expérience du matin m'a prouvé
qu'en cette saison, il serait peut être judicieux d'éviter
les petites routes en montagne. Ce qui me frappe le plus dans les commerces
de la ville, c'est le nombre de café-jeux qui affichent le montant
de leur Jackpot en vitrine pour attirer le client, de loin, ça
ressemble à des bordels mais, les prostituées y sont électroniques.
Le soir, je mange mal au restaurant de l'hôtel et ressors me promener
pour boire un verre.
Le cinquième jour, je démarre en douceur, la météo,
bien que sans pluie, ne m'incite pas à me dépêcher.
C'est seulement vers 10 h que je prends la route sans le
moindre objectif en tête. Comme souvent en voyage à vélo,
le chemin décidera pour moi au fur et à mesure de ma progression.
Tandis que je sors de la ville, je suis à nouveau conquis par
la beauté des couleurs automnales, je roule avec plaisir et la
météo s'améliore. J'ai choisi de suivre une route
plus importante pour bénéficier du passage des services
de déneigement, le trafic est loin d'être gênant,
et je profite à fond de l'ascension des 3 cols de la matinée.
Les paysages sont recouverts d'un tapis neigeux immaculé à
partir de 600 m d'altitude environ, les cols sont vers 800 m, je croise
quelques voitures qui transportent sur leur toit, soit des skis, soit
une belle couche de 15 cm de neige environ. Les arbres encore ornés
de leurs feuilles d'automne sont recouvert de neige, c'estféerique
sous le soleil
Après être passé par trois
cols, dont un sans nom, je me retrouve au pied d'un Big (Brevet International
du Grimpeur). Il n'est pas tard, la route est bonne, je suis en forme
je me lance. Une route bien large, recouverte d'un bitume parfait grimpe
régulièrement vers la frontière polonaise. Quelques
camions et de rares voitures me dépassent prudemment, je grimpe
doucement. Je crois que le sommet se trouve au poste frontière,
mais à l'approche de celui-ci je constate que ce n'est pas le
cas. Je passe donc la douane en quelques minutes, ce passage vaut au
Przel Schlarska d'être le premier des Bigs que j'atteints dont
la preuve est consignée dans mon passeport par un cachet. Au
sommet, deux km plus loin, je consulte ma carte, soit je fais demi-tour,
soit je continue par la Pologne. Les routes secondaires étant
incertaines, je n'ai pas la garantie de pouvoir repasser en Tchéquie
sans problème, je décide donc de redescendre par où
je suis monté, c'est plus raisonnable. Je vais me placer le plus
près possible du Big suivant pour tenter un nouveau coup le lendemain.
En redescendant, le douanier polonais, qui n'est pourtant pas le même
qu'à l'aller, sort de sa cabine, il s'intéresse très
peu à mon passeport, par contre mon GPS le fascine, il veut tout
savoir, tout comprendre. Et me voilà donc parti dans une grande
discussion trilingue, polonais, allemand, mimes. Nous nous comprenons
et discutons ainsi quelques minutes à propos de mon voyage jusqu'à
l'arrivée d'un camion et d'une voiture. Une fois de plus, au
ton utilisé pour parler aux "motorisés", je
comprends que c'est mon vélo qui m'a permis cette discussion.
Sans lui, j'aurais été un touriste comme les autres. Le
soir je trouve une pension près de Ponikla.
Il a fait froid la nuit, -8°C selon l'aubergiste, moi j'ai bien
dormi, bien au chaud dans ma chambre. Je démarre vers 9h du matin,
sur une route secondaire qui devrait
me permettre de rejoindre celle de Labska Bouda, le second Big du programme.
Au départ, la route est parfaitement dégagée, mais
au fur et à mesure que je monte, l'enneigement augmente. A l'approche
du premier col sans nom de la journée, la route est recouverte
d'une belle couche de neige damée par le passage de quelques
voitures. Je dois faire attention en permanence, car certaines parties
sont verglacées, il faut les contourner. Par deux fois, je dois
descendre du vélo et pousser quelques mètres pour franchir
une zone trop glissante et pentue. Le soleil est franc, il fait presque
chaud en grimpant, si bien que j'allège un peu mon habillement.
Pour la descente qui promet d'être assez longue, je m'habille
par contre très chaudement, même à petite vitesse,
en l'absence d'effort physique, on se refroidit très vite. Je
rejoins donc doucement le pied du Big que j'attaque, ne sachant rien
des conditions que je vais trouver au sommet qui est quand même
nettement plus haut que les précédents. La route est superbe
et monte doucement le long d'une rivière, le soleil, qui joue
avec le feuillage, la neige et l'eau rendent cette ascension un peu
magique. Je roule lentement, surtout que de la neige s'accumule perpétuellement
entre mon pneu et mon garde-boue avant, m'arrêter pour dégager
ne sert à rien, en quelques mètres le problème
se pose à nouveau. En fait, au moment même, ça n'a
pas la moindre importance, je suis content d'être où je
suis, j'en profite à fond, ça me fait un bien fou
Un peu avant la station de Misecky, les pourcentages deviennent plus
raides avec quelques passages à plus de 10 %, sur la neige avec
des sacoches, je m'amuse. A la sortie de Misecky, vers 1050 m d'altitude,
les choses se compliquent nettement, la route est devenue une jolie
piste de ski de fond bien damée. Il me paraît difficile
de continuer, pour le fun j'essaye quand même, mais c'est impossible.
Je décide donc de prendre mon repas de midi dans le restaurant
de la station, j'y mange bien en surveillant Grimp'tout, celui-ci resté
seul dehors intrigue les passants, j'aperçois même quelqu'un
qui prend des photos. Pendant que je mange, me vient une idée.
Pourquoi ne pas me trouver une chambre ici. Je loue des skis et je grimpe
quand même
rejoindre ce Big pour le plaisir. Finalement, la raison vaincra, pour
la descente, le lendemain matin, la route risque d'être vraiment
trop dangereuse, je ne reste pas, je redescends prudemment. Quelques
coups d'adrénaline tout de même quand la roue avant dérape
dans une petite ornière de neige
dérapage volontaire
à l'arrière, on récupère la situation
ouf passé !Je trouve une pension à Jilemnice, j'y mange
bien et j'entreprends une petite exploration des dopages locaux. Pour
commencer, le patron de la maison, fort impressionné par mon
périple m'offre un apéritif indéterminé.
Ensuite en mangeant, je goûte un vin blanc tchèque pas
mauvais du tout. Après le café et une petite promenade
digestive dans le centre de la petite ville, je goûte la Berechovska
dont je transporte depuis Kokorin un échantillon que m'a offert
l'aubergiste, ce n'est pas mauvais, c'est un alcool sec à 38°,
aromatisé avec des herbes locales. Je teste ensuite la Medovina,
une liqueur de miel traditionnelle de la région c'est sympa et
nettement moins fort. Légèrement saoul, je m'endors comme
une masse.
Pour le septième jour, j'ai prévu une étape touristique
assez courte, je commence la journée par une petite visite des
rues de Jilemnice, la petite ville est jolie, quelques façades
très belles et quelques maisons traditionnelles, ma journée
touristique commence bien. Je prends ensuite la route vers Jicin, où
j'ai envie de passer depuis le début. J'en ai vu une photo sur
Internet et le patron de l'auberge du premier soir m'en a un peu parlé,
la décrivant comme superbe. Je roule bien,
seulement 36 km, si bien que j'arrive à Jicin pour midi. Je trouve
rapidement une pension sur la place principale, celle de la photo d'Internet,
elle est effectivement très jolie. Je m'installe dans ma chambre
et après une douche, je mange rapidement. Ensuite, je visite,
je me promène dans la ville. Au fur et à mesure que je
progresse, je me demande comment le Guide du Routard peut ignorer cette
bourgade. C'est un peu moins riche que Prague, mais le charme est resté
ce dont je ne suis pas convaincu à Prague, moi j'adore. Le soir,
je mange tout à fait par hasard une brochette de viande qui me
semble être du sanglier, c'est excellent en tout cas. En soirée,
je flâne un peu dans la ville et me couche tôt.
Le lendemain, je me lève tôt, avant le réveil, je
sors en ville dans le but de m'acheter mon petit déjeuner, la
pension dans laquelle je suis, n'en propose pas. Je prends ensuite la
route sans but précis, j'ai trois jours pour faire 150 km et
rejoindre l'aéroport, je prends donc les petites routes, tantôt
forestières, tantôt agricoles. Les paysages sont assez
variés et je m'amuse toujours. J'aperçois encore de nombreux
lièvres et quelques chevreuils, fuyant tardivement à mon
approche, je parviens même à en immortaliser trois sur
les pixels de mon appareil photos, de loin certes mais on les aperçoit
sur la photo. Mes divagations me mènent finalement à Benatky
Nad Jizerou. Là je trouve un unique hôtel qui est une splendeur
de l'époque communiste, un parallélépipède
de béton percé de fenêtres uniformes. L'accueil
y est resté le même aussi, au guichet, ce n'est qu'administration,
passeport et règlement. Il faudra que les personnes présentes
qui m'ont vu arriver à vélo bataillent ferme pendant 10
minutes pour que je puisse monter Grimp'tout dans ma chambre. Le seul
endroit où il puisse être en sécurité. L'intérieur
de l'hôtel ressemble à s'y méprendre, à celui
d'un hôpital qui aurait été désaffecté
quelques années auparavant. La ville est une cité industrielle,
pas très jolie, nombreux bâtiments type HLM et nombreuses
cheminées partout où l'on regarde. Je suis entré
dans la région autour de Prague, nettement plus industrialisée
que celle d'où je viens. Le programme du lendemain est d'aller
dormir à Kralupy Nad Vltavou pour n'avoir plus, le dernier jour
que 20 km à faire pour rejoindre l'aéroport. .
Je
prends la route vers 10 heures après une visite au super marché
pour acheter le petit déjeuner. Je flâne 55 km dans un
paysage mi-agricole, mi-industriel, ce n'est pas le plus beau coin du
pays, il me semble même plus triste qu'à l'aller, peut
être le contraste avec les superbes étapes de montagne
est-il la cause. Le soir, je trouve un hôtel qui ressemble un
peu à celui de la veille en plus propre et plus net. Je me couche
tôt. Le lendemain, après la réorganisation des sacoches
qui s'impose avant un voyage en avion, je démarre de bonne heure
vers l'aéroport. J'ai peur d'un problème technique qui
me ferait raté l'avion, comme celui-ci ne survient évidemment
pas, j'arrive très en avance à l'aéroport. En route,
juste une grosse frayeur. Alors que je longe un champ où quelques
chasseurs font une battue, un lièvre se lève et fonce
dans ma direction
Un chasseur épaule, je vous jure, je
n'ai jamais crié si fort, ni gesticulé autant sur un vélo
ouf, il n'a pas tiré et le lièvre s'en tire sain et sauf
cette fois-ci !
Arrivé à l'aéroport de Bruxelles, il me reste à
rejoindre à vélo la maison de mes beaux-parents à
l'autre bout de la ville. Ce ne fut pas les plus beaux, ni les plus
agréables km du voyage
Franchement, je préfère
la manière de conduire de Tchèques.
Le bilan de ce voyage est très positif, j'ai adoré ça,
mon moral est remonté en flèche et j'ai pu, sereinement,
prendre les grandes décisions professionnelles qu'il fallait.
Au niveau des chiffres, un peu plus de 500 km, 4 cols "homologables"
et quelques autres, un Big et beaucoup de plaisir. Je retournerai rouler
dans cette partie de l'Europe et je ferai encore des voyages avec de
la neige
Bilan
du voyage :
Km parcourus : 495 km
Mètres de dénivelée positive : 5811 m
Crevaisons : C'est quoi une crevaison ?
Cols : Trois cols homologables quelques autres
Big : Un big polonais
Et très envie d'y retourner dans les mêmes conditions
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