La montagne tchéco-polonaise sous la neige - Octobre 2003

Toutes les images qui illustrent ce voyage et quelques autres sont en grand format dans les galeries

Ce début d'année académique n'a pas été extraordinaire, et mon moral n'est pas au top. J'ai envie de partir quelques jours fin octobre pour le congé de Toussaint. Pour ce voyage, j'ai envie de me lancer un petit défi, partir dans un pays dont je ne connais presque rien pour de préférence faire un peu de montagne. Prague s'impose assez rapidement comme point de départ et d'arrivée d'un voyage d'une dizaine de jours. Contrairement à mon habitude, je ne prépare presque rien, j'ai juste repéré au nord-est de Prague, quatre Bigs potentiels sur la frontière polonaise. Les informations météorologiques annoncent de la neige dans le coin, on verra sur place ce qui est faisable. J'ai un billet d'avion aller-retour sur Prague, et la garantie de la compagnie de pouvoir transporter mon vélo à condition de l'emballer. Pour l'aller, pas de problème, mon vélociste m'a fourni une grande caisse, je dois juste démonter guidon, pédales et selle et dégonfler les pneus pour l'emballage. Pour le retour, il faudra laisser ma caisse en consigne à l'aéroport, pour la récupérer avant de rentrer.
Heureusement pour moi qui n'ai jamais été un champion de mécanique Grimp'tout est assez facile à monter et démonter. Je l'emballe la veille du départ, espérant ne rien avoir oublié. Pour les sacoches au nombre de 5, j'ai acheté un énorme sac de voyage qui peut les contenir toutes. Je garde la sacoche de guidon comme bagage de cabine.
Le matin du départ, je me lève très tôt, je veux être en avance à l'aéroport pour éviter tout problème avec mon encombrant bagage. J'ai donc droit à une très longue attente dans la zone "free tax", bof rien de très excitant !Une fois dans l'avion, je n'ai qu'une seule inquiétude, Grimp'tout est-il en sécurité ? Sans lui, mon voyage serait foutu. De toute façon, je ne peux rien y faire, alors autant profiter du vol, d'autant plus que l'avion est loin d'être plein et qu'on dispose de toute la place pour s'installer. J'atterris à Prague peu avant midi, selon le pilote il fait près de 0°C au sol mais la couche de nuage est assez faible si bien que le soleil brille. Je récupère assez vite mes bagages, je remonte Grimp'tout à l'aise dans l'aéroport, le charge et c'est parti. Il est un peu plus de 13 heures. Un km après avoir quitté l'aéroport, je bifurque pour prendre une petite route vers le nord, c'est du pavé, cool j'adore ça, le voyage commence bien. Très rapidement, voilà le retour d'un bitume très convenable qui recouvre l'immense majorité des routes tchèques. Je roule relativement bien par ces petites routes de la campagne fertile, les couleurs automnales sont superbes. Par contre les villages autour de Prague sont tristes et mal entretenus, des séquelles des années sombres. J'ai décidé de faire une relativement courte étape pour le premier jour, j'ai envie de m'arrêter tôt pour prendre contact avec le pays. Le Guide du Routard renseigne un camping à Veltruzy, je cherche un peu, mais il semble que le camping soit fermé en cette saison, je reprends donc la route pour m'arrêter rapidement devant le panneau "Penzion" d'une chambre chez l'habitant. Je sonne, la maîtresse de maison m'ouvre, elle parle anglais et m'explique que c'est complet pour la nuit. Son mari arrive, lui, il s'intéresse plus à mon moyen de transport et à mon chargement. Il entreprend un dialogue avec sa femme dans lequel je crois comprendre être le sujet principal. Après quelques minutes, tout s'arrange, on va me préparer la chambre de la fille de la maison qui est en vacances. Mon vélo déchargé de ses bagages est rangé dans une remise fermée, moi je suis au chaud, tout va bien. La "penzion" offre le petit-déjeuner compris, pas le dîner, mais la patronne me conseille un petit restaurant. J'y mange bien quoi-qu'un peu à l'aveuglette dans la carte bilingue tchèque-allemand. Je me couche tôt pour me lever frais le lendemain.
Le deuxième jour, je me lève donc vers 7 h 30 pour attaquer ma deuxième étape. La journée commence par un petit déjeuner fait de pain, de fromage, de charcuteries, et de gâteau qui vaut le prix de la chambre. Seul le café est infâme mais ça, ça fait partie des choses que je savais avant de venir. Je prends la route vers 9 heures, le thermomètre indique 0°C, je m'attendais à moins, c'est parfait. Je décide de continuer vers le nord-est vers Melnik par les petites routes… Je fais une bonne quinzaine de km de détour à la recherche d'un pont qui n'existe pas et que ma carte renseigne pour finalement traverser la Vlata comme tout le monde sur le pont de la grand-route qui mène de Prague à Melnik. Je commence à avoir faim, je décide donc de rejoindre Melnik par la route la plus courte, c'est-à-dire de rester sur la grand-route. Le trafic est dense, tant en voitures qu'en camions mais à aucun moment je ne me sens en insécurité. Les Tchèques conduisent prudemment, ils ralentissent avant de dépasser, déboîtent franchement pour le faire en utilisant leur clignotant, même pour se rabattre! Plusieurs fois pendant tout le voyage, des automobilistes ou camionneurs parcourront d'assez longues distances au ralenti derrière moi avant de me dépasser à un endroit sûr. L'entrée de Melnik est affreuse et industrielle, une sucrerie odorante me rappelle des odeurs de ma région… Le centre ville par contre est mignon, mais j'ai trop faim. Je me trouve un petit resto sur la place, où je peux ranger Grimp'tout en sécurité dans une cour intérieure pendant que je mange. Après le repas, je visite un peu la ville, et rencontre un groupe de touristes français qui s'inquiètent pour moi, seul à vélo sans moteur par ce froid. Moi je rigole, tout va bien. Je reprends la route à mon aise en début d'après-midi avec pour objectif une "Penzion" à Mseno. La route devient un peu plus grimpante et forestière. C'est superbe. Il tombe quelques flocons de neige fondante, rien d'alarmant. Mseno est une petite cité ouvrière délabrée qui n'a pas un charme, seuls deux bâtiments anciens et pas trop mal conservés émergent du lot. Je ne trouve pas de pension et je continue donc ma route pour quelques km. C'est finalement, presque 20 km que je dois encore ajouter avant de trouver une pension ouverte où il y a de la place pour moi. Seul problème, le patron est en ville et en a encore pour une heure avant de revenir. Je me couvre de mes deux polaires et de mon pantalon molletonné, il fait frais et humide dans la forêt, j'ai peur de prendre froid en attendant. Quand il arrive, il était temps, je mets rapidement Grimp'tout en sécurité et me réfugie sous une douche bien chaude. Pendant ce temps, bien que les cuisines soient fermées, on me prépare un énorme thermos de thé bien chaud et un bon repas de cycliste accompagné de quelques bières. Je passe la soirée à écrire dans mon carnet devant la télévision tchèque, espérant un aperçu de la météo à venir, mais en guise de météo, c'est plutôt des résultats de football dont je dois me contenter.
Le troisième jour, je démarre vers 9 h, après un petit déjeuner de cycliste, petits pains chauds, charcuteries, fromage, confiture, miel et un café moins mauvais qu'ailleurs… ou alors je m'habitue déjà. La météo semble s'être nettement améliorée depuis la vieille, il fait plus froid mais il fait beau. Le soleil et le ciel bleu, contribuent à donner des couleurs fabuleuses au feuillage automnal… Je commence la journée par une jolie ascension forestière bordée de petits lacs gelés, je passe quelques charmants petits cols sans nom. Je flâne, je ne suis plus cyclo-touriste mais touriste-cyclo, je m'arrête souvent pour contempler le paysage, la nature est en feu, un feu beaucoup plus doux que celui des incendies de cet été caniculaire. Ce feu de l'automne ne détruit rien, il est juste la fin d'un cycle. Par contre, il ne réchauffe que le regard et sur le sommet, un petit vent froid m'oblige à bien me couvrir. J'ai envie de rester partout où je passe, je n'avance que parce que j'espère que plus loin ce sera au moins aussi beau, peut être encore plus… Je visite le centre de la petite ville de Doksy, calme et presque sans voitures, la place principale invite à la flânerie, j'en fais le tour, tout à mon aise en poussant Grimp'tout, les quelques passants me regardent d'un air étonné. Je reprends ensuite la route vers Minon, où je décide de me trouver à manger. Le bilan de la matinée est riche, le spectacle naturel a été superbe et les acteurs nombreux, on y dénombre quelques chevreuils, et écureuils, parfois de très près, et de nombreux oiseaux indéterminés. Mon critère pour choisir une auberge est, la sécurité de Grimp'tout et de ses bagages. Il me faut donc trouver une salle à manger, d'où je puisse surveiller la bête. Je rentre finalement dans un établissement pourvu d'une fenêtre devant laquelle se repose ma monture. Je m'installe et demande à manger. Le patron me montre le tableau sur lequel est écrit, "Toust 15 Czk", bon ben va pour le toust. 15 couronnes, soit 50 Euro-cents, ce n'est pas encore ce midi que je vais me ruiner. Quand on me le sert, j'apprends que le toust est une saucisse au paprika accompagnée de pain de campagne et de moutarde. Ce n'est pas mauvais et ça tient au corps. L'après-midi, me conduit sans histoire vers Krizani, j'ai pensé pouvoir rejoindre encore Liberec, mais pour cela, il reste une vingtaine de km et un col de 6 km au sommet duquel on aperçoit de la neige. C'est trop. Je me suis arrêté au premier panneau "Zimmer Frei" que j'ai aperçu, c'est une des meilleures idées j'ai eue pendant ce voyage. Quelle soirée! Du genre de celles qui valent un voyage! Lida, 75 ans m'ouvre la porte, elle m'accueille en allemand dans le studio qu'elle loue en guise de chambre. J'ai à ma disposition, tout un appartement, 2 chambres, salle à manger, cuisine et salle de bain. Pour entrer, je dois enlever mes chaussures et Lida m'offre une bouteille de limonade et des pantoufles trop petites pour moi, j'ai quelques peines à la convaincre que tout ira bien si je reste en chaussettes. Par contre, elle apporte de vieux vêtements à étaler sur le sol, pour y installer Grimp'tout sans qu'il ne salisse le studio. Je lui demande, où il est possible de manger pour le soir. Elle parait ennuyée mais me répond qu'elle va me préparer un souper. Je suis un peu gêné mais je n'ai pas du tout envie de me préparer ma "bouffe de réserve" ce soir. De toute façon, le temps de réfléchir à la situation, Lida est déjà remontée et je l'entends s'activer à la cuisine. Je prends une bonne douche et me consacre à quelques écritures dans mon carnet. Petr, le petit-fils de la maison descend timidement me chercher, je le suis pour déboucher dans la salle de séjour familiale. Sur la table, ma place est installée, et Lida s'empresse de me servir une immense assiette de bouillon dans lequel nagent divers légumes et des mies de pain abondantes. Ensuite, viennent deux énormes filets de poulet pannés accompagnés d'une salade, d'un demi-kg de pommes de terre arrosées de beurre fondu et d'une bière. Ensuite, libérée du travail de la cuisine, Lida vient s'installer près de moi et commence à me parler, elle veut tout savoir d'où je viens, où je vais, pourquoi je fais ça, pourquoi seul..? Si je suis marié, si j'ai des enfants, ce que je fais comme métier..? Nous parlons un mélange de plusieurs langues, l'allemand, le tchèque et le mime principalement. J'aurai aussi recours au dessin pour expliquer qu'Hadrien fait du vélo dans une remorque… Ensuite Lida me parle d'elle, de sa famille, de son village, de son pays… Soudain, elle se lève et revient avec une grande enveloppe qui contient les photos du mariage de son fils en Floride. Elle me parle aussi d'un voyage à Amsterdam qu'elle a fait pour rendre visite à de la famille, ce qui l'a le plus marquée : les champs de fleurs, les coffee shop et la prostitution. Plusieurs fois, elle me parle de la période du communisme qui a tout détruit dans le pays, de son travail, 30 ans dans un restaurant communautaire. Elle me propose un café tchèque, avec tellement d'insistance que je finis par accepter. Le café tchèque familial est en fait un café turc, ce qui n'est pas tout à fait ma tasse de thé! Mais en laissant un peu décanter le marc ce n'est pas si mauvais que ça. Comme je semble apprécier sa mixture, Lida m'offre un paquet d'un demi-kg, pour qu'il m'en reste au retour en Belgique et que Valérie puisse goûter me dit-elle. Je dois me battre pour refuser, prétextant le poids, et l'encombrement de mes sacoches. Lida ne se laisse pas abattre, elle se lève avec le paquet de café, se dirige vers l'armoire et le range… ouf je respire !Mais elle a trouvé un paquet de 250 gr et revient à la charge. Je dois finalement capituler. Ensuite, elle m'offre le dessert, un verre de vin blanc tchèque pas mauvais du tout et un digestif local. Je fais quelques photos que je promets d'envoyer et nous nous séparons de bonne heure, je suis fatigué et je voudrais me coucher tôt, je tente d'oublier le café mais c'est encore raté. Franchement, avec la soirée que je viens de passer, je ne regrette pas du tout de m'être arrêté avant le col… j'aurais raté un des grands moments du voyage.
Le lendemain matin, je m'attends à tout pour le petit déjeuner, celui-ci risque de me suffire pour la journée. En effet, sur la table on trouve une quinzaine de tartines de charcuteries, Lida me prépare un café puis elle s'active encore à la cuisine, pour m'apporter une énorme omelette aux oignons et fromage accompagnée d'une salade de tomates et poivrons. Je sors de table rassasié. Lida m'a aussi préparé un pique-nique, deux filets de poulets pannés froid, dignes de ceux de la veille, quelques tartines et deux pommes. J'enfourche mon vélo vers 9 h pour attaquer le col. Il fait gris, il tombe quelques flocons de neige fondante et le plafond est bas, très bas, Lida m'annonce, un peu inquiète, de le neige sur le sommet, je m'en doute un peu mais je prends quand même la route. On verra en chemin. Vers 600 m d'altitude, la neige n'est plus fondante, elle tient, même sur la route. Une fine couche qui s'épaissit doucement pour atteindre 5 cm au sommet. Je monte doucement, alors que la neige continue de tomber. Je croise, ou me fais dépasser par quelques voitures, si elles passent, je passe. Il y aura même un automobiliste qui proposera de m'emmener car la route est vraiment trop mauvaise pour faire du vélo, je refuse poliment. J'effectue une descente prudente, à peine plus vite que la montée et je décide de m'arrêter à Liberec après seulement 21 km. Compte tenu de la météo, devenue pluvieuse dans la vallée, je vais faire le touriste et visiter Liberec. Je m'installe dans un hôtel du centre ville et pars à pied pour visiter. On est dimanche, les Tchèques se promènent et semblent ne pas avoir de but précis, moi non plus. Je trouve un café Internet et m'arrête pour envoyer quelques messages et consulter des sites météo, l'avenir semble meilleur. Je flâne dans la ville, je rentre dans une librairie ouverte, j'y trouve des cartes d'itinéraires cyclistes de Tchéquie, j'en achète 2, surtout pour avoir les références pour un prochain voyage car l'expérience du matin m'a prouvé qu'en cette saison, il serait peut être judicieux d'éviter les petites routes en montagne. Ce qui me frappe le plus dans les commerces de la ville, c'est le nombre de café-jeux qui affichent le montant de leur Jackpot en vitrine pour attirer le client, de loin, ça ressemble à des bordels mais, les prostituées y sont électroniques. Le soir, je mange mal au restaurant de l'hôtel et ressors me promener pour boire un verre.
Le cinquième jour, je démarre en douceur, la météo, bien que sans pluie, ne m'incite pas à me dépêcher. C'est seulement vers 10 h que je prends la route sans le moindre objectif en tête. Comme souvent en voyage à vélo, le chemin décidera pour moi au fur et à mesure de ma progression. Tandis que je sors de la ville, je suis à nouveau conquis par la beauté des couleurs automnales, je roule avec plaisir et la météo s'améliore. J'ai choisi de suivre une route plus importante pour bénéficier du passage des services de déneigement, le trafic est loin d'être gênant, et je profite à fond de l'ascension des 3 cols de la matinée. Les paysages sont recouverts d'un tapis neigeux immaculé à partir de 600 m d'altitude environ, les cols sont vers 800 m, je croise quelques voitures qui transportent sur leur toit, soit des skis, soit une belle couche de 15 cm de neige environ. Les arbres encore ornés de leurs feuilles d'automne sont recouvert de neige, c'estféerique sous le soleil… Après être passé par trois cols, dont un sans nom, je me retrouve au pied d'un Big (Brevet International du Grimpeur). Il n'est pas tard, la route est bonne, je suis en forme… je me lance. Une route bien large, recouverte d'un bitume parfait grimpe régulièrement vers la frontière polonaise. Quelques camions et de rares voitures me dépassent prudemment, je grimpe doucement. Je crois que le sommet se trouve au poste frontière, mais à l'approche de celui-ci je constate que ce n'est pas le cas. Je passe donc la douane en quelques minutes, ce passage vaut au Przel Schlarska d'être le premier des Bigs que j'atteints dont la preuve est consignée dans mon passeport par un cachet. Au sommet, deux km plus loin, je consulte ma carte, soit je fais demi-tour, soit je continue par la Pologne. Les routes secondaires étant incertaines, je n'ai pas la garantie de pouvoir repasser en Tchéquie sans problème, je décide donc de redescendre par où je suis monté, c'est plus raisonnable. Je vais me placer le plus près possible du Big suivant pour tenter un nouveau coup le lendemain. En redescendant, le douanier polonais, qui n'est pourtant pas le même qu'à l'aller, sort de sa cabine, il s'intéresse très peu à mon passeport, par contre mon GPS le fascine, il veut tout savoir, tout comprendre. Et me voilà donc parti dans une grande discussion trilingue, polonais, allemand, mimes. Nous nous comprenons et discutons ainsi quelques minutes à propos de mon voyage jusqu'à l'arrivée d'un camion et d'une voiture. Une fois de plus, au ton utilisé pour parler aux "motorisés", je comprends que c'est mon vélo qui m'a permis cette discussion. Sans lui, j'aurais été un touriste comme les autres. Le soir je trouve une pension près de Ponikla.
Il a fait froid la nuit, -8°C selon l'aubergiste, moi j'ai bien dormi, bien au chaud dans ma chambre. Je démarre vers 9h du matin, sur une route secondaire qui devrait me permettre de rejoindre celle de Labska Bouda, le second Big du programme. Au départ, la route est parfaitement dégagée, mais au fur et à mesure que je monte, l'enneigement augmente. A l'approche du premier col sans nom de la journée, la route est recouverte d'une belle couche de neige damée par le passage de quelques voitures. Je dois faire attention en permanence, car certaines parties sont verglacées, il faut les contourner. Par deux fois, je dois descendre du vélo et pousser quelques mètres pour franchir une zone trop glissante et pentue. Le soleil est franc, il fait presque chaud en grimpant, si bien que j'allège un peu mon habillement. Pour la descente qui promet d'être assez longue, je m'habille par contre très chaudement, même à petite vitesse, en l'absence d'effort physique, on se refroidit très vite. Je rejoins donc doucement le pied du Big que j'attaque, ne sachant rien des conditions que je vais trouver au sommet qui est quand même nettement plus haut que les précédents. La route est superbe et monte doucement le long d'une rivière, le soleil, qui joue avec le feuillage, la neige et l'eau rendent cette ascension un peu magique. Je roule lentement, surtout que de la neige s'accumule perpétuellement entre mon pneu et mon garde-boue avant, m'arrêter pour dégager ne sert à rien, en quelques mètres le problème se pose à nouveau. En fait, au moment même, ça n'a pas la moindre importance, je suis content d'être où je suis, j'en profite à fond, ça me fait un bien fou… Un peu avant la station de Misecky, les pourcentages deviennent plus raides avec quelques passages à plus de 10 %, sur la neige avec des sacoches, je m'amuse. A la sortie de Misecky, vers 1050 m d'altitude, les choses se compliquent nettement, la route est devenue une jolie piste de ski de fond bien damée. Il me paraît difficile de continuer, pour le fun j'essaye quand même, mais c'est impossible. Je décide donc de prendre mon repas de midi dans le restaurant de la station, j'y mange bien en surveillant Grimp'tout, celui-ci resté seul dehors intrigue les passants, j'aperçois même quelqu'un qui prend des photos. Pendant que je mange, me vient une idée. Pourquoi ne pas me trouver une chambre ici. Je loue des skis et je grimpe quand même rejoindre ce Big pour le plaisir. Finalement, la raison vaincra, pour la descente, le lendemain matin, la route risque d'être vraiment trop dangereuse, je ne reste pas, je redescends prudemment. Quelques coups d'adrénaline tout de même quand la roue avant dérape dans une petite ornière de neige… dérapage volontaire à l'arrière, on récupère la situation… ouf passé !Je trouve une pension à Jilemnice, j'y mange bien et j'entreprends une petite exploration des dopages locaux. Pour commencer, le patron de la maison, fort impressionné par mon périple m'offre un apéritif indéterminé. Ensuite en mangeant, je goûte un vin blanc tchèque pas mauvais du tout. Après le café et une petite promenade digestive dans le centre de la petite ville, je goûte la Berechovska dont je transporte depuis Kokorin un échantillon que m'a offert l'aubergiste, ce n'est pas mauvais, c'est un alcool sec à 38°, aromatisé avec des herbes locales. Je teste ensuite la Medovina, une liqueur de miel traditionnelle de la région c'est sympa et nettement moins fort. Légèrement saoul, je m'endors comme une masse.
Pour le septième jour, j'ai prévu une étape touristique assez courte, je commence la journée par une petite visite des rues de Jilemnice, la petite ville est jolie, quelques façades très belles et quelques maisons traditionnelles, ma journée touristique commence bien. Je prends ensuite la route vers Jicin, où j'ai envie de passer depuis le début. J'en ai vu une photo sur Internet et le patron de l'auberge du premier soir m'en a un peu parlé, la décrivant comme superbe. Je roule bien, seulement 36 km, si bien que j'arrive à Jicin pour midi. Je trouve rapidement une pension sur la place principale, celle de la photo d'Internet, elle est effectivement très jolie. Je m'installe dans ma chambre et après une douche, je mange rapidement. Ensuite, je visite, je me promène dans la ville. Au fur et à mesure que je progresse, je me demande comment le Guide du Routard peut ignorer cette bourgade. C'est un peu moins riche que Prague, mais le charme est resté ce dont je ne suis pas convaincu à Prague, moi j'adore. Le soir, je mange tout à fait par hasard une brochette de viande qui me semble être du sanglier, c'est excellent en tout cas. En soirée, je flâne un peu dans la ville et me couche tôt.
Le lendemain, je me lève tôt, avant le réveil, je sors en ville dans le but de m'acheter mon petit déjeuner, la pension dans laquelle je suis, n'en propose pas. Je prends ensuite la route sans but précis, j'ai trois jours pour faire 150 km et rejoindre l'aéroport, je prends donc les petites routes, tantôt forestières, tantôt agricoles. Les paysages sont assez variés et je m'amuse toujours. J'aperçois encore de nombreux lièvres et quelques chevreuils, fuyant tardivement à mon approche, je parviens même à en immortaliser trois sur les pixels de mon appareil photos, de loin certes mais on les aperçoit sur la photo. Mes divagations me mènent finalement à Benatky Nad Jizerou. Là je trouve un unique hôtel qui est une splendeur de l'époque communiste, un parallélépipède de béton percé de fenêtres uniformes. L'accueil y est resté le même aussi, au guichet, ce n'est qu'administration, passeport et règlement. Il faudra que les personnes présentes qui m'ont vu arriver à vélo bataillent ferme pendant 10 minutes pour que je puisse monter Grimp'tout dans ma chambre. Le seul endroit où il puisse être en sécurité. L'intérieur de l'hôtel ressemble à s'y méprendre, à celui d'un hôpital qui aurait été désaffecté quelques années auparavant. La ville est une cité industrielle, pas très jolie, nombreux bâtiments type HLM et nombreuses cheminées partout où l'on regarde. Je suis entré dans la région autour de Prague, nettement plus industrialisée que celle d'où je viens. Le programme du lendemain est d'aller dormir à Kralupy Nad Vltavou pour n'avoir plus, le dernier jour que 20 km à faire pour rejoindre l'aéroport. .
Je prends la route vers 10 heures après une visite au super marché pour acheter le petit déjeuner. Je flâne 55 km dans un paysage mi-agricole, mi-industriel, ce n'est pas le plus beau coin du pays, il me semble même plus triste qu'à l'aller, peut être le contraste avec les superbes étapes de montagne est-il la cause. Le soir, je trouve un hôtel qui ressemble un peu à celui de la veille en plus propre et plus net. Je me couche tôt. Le lendemain, après la réorganisation des sacoches qui s'impose avant un voyage en avion, je démarre de bonne heure vers l'aéroport. J'ai peur d'un problème technique qui me ferait raté l'avion, comme celui-ci ne survient évidemment pas, j'arrive très en avance à l'aéroport. En route, juste une grosse frayeur. Alors que je longe un champ où quelques chasseurs font une battue, un lièvre se lève et fonce dans ma direction… Un chasseur épaule, je vous jure, je n'ai jamais crié si fort, ni gesticulé autant sur un vélo… ouf, il n'a pas tiré et le lièvre s'en tire sain et sauf cette fois-ci !
Arrivé à l'aéroport de Bruxelles, il me reste à rejoindre à vélo la maison de mes beaux-parents à l'autre bout de la ville. Ce ne fut pas les plus beaux, ni les plus agréables km du voyage… Franchement, je préfère la manière de conduire de Tchèques.
Le bilan de ce voyage est très positif, j'ai adoré ça, mon moral est remonté en flèche et j'ai pu, sereinement, prendre les grandes décisions professionnelles qu'il fallait. Au niveau des chiffres, un peu plus de 500 km, 4 cols "homologables" et quelques autres, un Big et beaucoup de plaisir. Je retournerai rouler dans cette partie de l'Europe et je ferai encore des voyages avec de la neige…

Bilan du voyage :
Km parcourus : 495 km
Mètres de dénivelée positive : 5811 m
Crevaisons : C'est quoi une crevaison ?
Cols : Trois cols homologables quelques autres
Big : Un big polonais
Et très envie d'y retourner dans les mêmes conditions

Toutes les images qui illustrent ce voyage et quelques autres sont en grand format dans les galeries


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