Balade Irlandaise sous la pluie et parfois le soleil.

Toutes les images qui illustrent ce voyage et quelques autres sont en grand format dans les galeries

Après la totale réussite de mon voyage en Tchéquie partiellement sous la neige, j'ai pensé, pourquoi pas cet été… la pluie ? Pourquoi pas l'Irlande ? Au départ, je comptais prendre un billet sur la compagnie "low cost" qui dessert le pays… Renseignement pris, le coût du transport du vélo ramène le prix de l'avion à peu près au même niveau que celui de la compagnie nationale irlandaise, avec la garantie de service en moins… Le choix est vite fait. Vol aller - retour vers Dublin pour trois semaine de douche.

Départ le lundi matin tôt de la maison, pour Grimp'tout, j'ai choisi l'option protection minimale, c'est à dire aucune. Pneus dégonflés, guidon dans l'axe du cadre, pédale enlevée, le voici prêt pour le vol. Vu l'état dans lequel j'avais récupéré ma caisse lors de mon précédent voyage, je suis parti du principe : montrons au personnel de l'aéroport que Grimp'tout est un vélo, ils feront peut-être plus attention. Et Grimp'tout arrive sain et sauf à Dublin… Ouf ! Le voyage peut commencer. A peine ai-je quitté l'aéroport pour le centre ville, qu'il pleut déjà… Mais je n'y pense même pas, je suis tellement concentré sur ma conduite urbaine à gauche. Il faut s'habituer à se faire dépasser par la droite, à traverser son carrefour ou le giratoire dans le bon sens, à placer son regard là où devrait venir le danger… Je traverse donc Dublin sans rien en voir, décidé à gagner un camping que ma carte renseigne à quelques km au sud de la capitale. Arrivé à destination, pas la moindre indication vers le camp, des renseignements contradictoires des passants, je fini par comprendre que le camping n'existe plus. Je me rends donc au "Tourist Office" de Bray, un peu plus au sud, où l'on me renseigne un camp un peu plus loin, au pied des "Wicklow Montains" que je devrais affronter le lendemain. Je trouve finalement un petit camp sympa, me réfugie dans une cuisine dont sont équipés presque tous les camps et prépare mon déjeuner. Je me couche tôt après une petite balade à pied.

Le deuxième jour, grosse frayeur en me levant, Grimp'tout à disparu ! Une bonne âme l'a abrité lui aussi de la pluie nocturne, il est au sec dans la cuisine. Je pars donc d'assez bonne heure après un déjeuner dans le B & B des propriétaires du camping. Rapidement, j'atteins le pied de l'ascension du premier Big du voyage, Sally Gap… Pendant que je grimpe, je découvre l'irrégularité des pourcentages des routes irlandaises, tantôt doux, tantôt redoutables. Le paysage se découvre progressivement comme je l'avais rêvé en préparant le voyage, magnifiques tourbières, dans lesquelles s'écoulent des rivières dont l'eau a déjà la couleur du Whiskey (le Whisky c'est écossais, le Whiskey irlandais)… Voilà de bons présages. Le sommet atteint dans la bonne humeur et sans pluie, je redescends vers Laragh pour attaquer le second Big, avant de descendre, la route suit les courbes de niveau pour rejoindre un petit col sans nom… paysages fabuleux même si le ciel se couvre. A Laragh, je décide d'entrer dans mon premier Pub, pour manger un sandwich et boire une bonne soupe chaude. Pas encore question de carburer à la Guiness, il reste un col à franchir. Je passe donc le Wicklow Gap, mais la pluie venue, le paysage me séduit un peu moins. Je trouve un camping à Donard, où l'on me confirme qu'il existe dans tous les camps des tarifs préférentiels pour marcheurs et cyclistes isolés… cool. Le soir, je vais au Pub, goûter la Guiness, bof ! Vraiment pas terrible, va falloir trouver une autre forme de dopage. Pendant que je bois ma bière arrive tout un contingent de casques bleus de l'Onu qui prend position, en armes, sur la place du village… Juste un exercice, et les Irlandais s'en inquiètent assez peu. Pour moi, c'est le temps d'une discussion sympa avec quelques militaires irlandais et zambiens.

Le troisième jour, je m'éveille alors qu'il pleut, je prolonge donc ma nuit d'une bonne heure et me lève finalement sous un ciel couvert, mais sans pluie. Arrivé par les petites routes à Carlow, et la pluie revenue, je trouve ce prétexte pour aller manger un sandwich et une soupe au Pub. En quittant la ville, je constate que le flan de mon pneu arrière a été fondu par les freinages dans une des descentes de la veille. Il faut le changer au plus vite. Pas envie de faire demi-tour, je prends donc une grand route pour Kilkenny où je devrais trouver un camping et un vélociste. Arrivé en ville, et après avoir installé ma tente, je me consacre premièrement à l'envoi d'un E-mail en Belgique pour donner des nouvelles. Le pneu attendra le lendemain matin. Dîner au camping dans la cuisine qui n'est ici qu'un simple abri sous le rebord du toit.

Le quatrième jour, je me lève tôt et pour attendre l'ouverture du vélociste, je me consacre à un peu de tourisme en ville, Parc du château, cathédrale, cimetière et balade à vélo dans le centre. J'achète un pneu, rien de mieux qu'un morceau de caoutchouc "made in Indonasia" à me mettre sous la jante, et cher en plus du marché. De toute façon, il n'y a rien d'autre on verra combien de km on peut faire avec ça. Je prends finalement la route vers 14 h pour une étape plus courte vers Carrick-on-Suir ou je passe la soirée dans le Pub, et découvre le Bulmers… Un cidre servi "à la pression"… Ok ! Dopage adopté. Je passe une bonne soirée à discuter avec d'autres clients devant la demi-finale de l'Euro 2004, puis la soirée se prolonge. Je rejoins ma tente partiellement éméché, retarde le réveil d'une heure et m'endors rapidement.

Le lendemain, je prends la route à mon aise vers le sud, je n'ai pas vraiment d'itinéraire précis pour la matinée. J'ai repéré dans le Routard une "magic road" où il faudrait pédaler dans une descente alors que la remontée s'effectuerait en roue libre. J'ai bien envie d'aller voir ça. En route, je passe devant ce que je pense être la maison des parents de Sean Kelly, décorée de quelques vieilles roues de vélo et d'un panneau rappelant ses exploits sur le Tour de France. Ensuite à partir de Mahon Bridge, je prends une petite route vers "Mahon Falls" et la "Magic Road". Celle-ci n'a, en fait, pas grand chose d'impressionnant, effectivement, au pied d'une courte descente, le vélo "veut" faire marche arrière et remonter. Je penche pour l'idée d'une illusion d'optique, mais la dénivelée à cet endroit est tellement faible qu'il est impossible de tracer un profil valable qui permettrait de trancher… Descente or not descente ? Le reste de la route, par contre, n'a rien de magique, l'ascension est redoutable, les pourcentages irréguliers et souvent très élevés. Au sommet, alors que l'on débouche dans un petit cirque montagneux dans lequel s'écoulent les chutes du Mahon, la pluie fait son apparition. C'est un peu dommage pour le paysage qui, depuis ces hauteurs est magnifique et s'étend jusqu'à la mer à quelque 20 km au sud. Passage d'un petit col sans nom et descente extrêmement raide… J'y fait deux pauses, je n'ai pas du tout envie de tuer déjà mon nouveau pneu arrière, à deux reprises, je laisse donc mes jantes se refroidir un peu, elles en ont bien besoin. Ensuite, je rejoins par les petites routes le pied du seul col nommé de la journée "The Gap" selon Michelin, "The Vee" selon les autres éditeurs et le panneau sommital. L'ascension du col se passe en douceur, les pourcentages sont très raisonnables et relativement réguliers, heureusement car le sommet est atteint au km 80 de l'étape et je commence à fatiguer un peu. De là, jolie descente sous la pluie et camping à Clogheen, pas le plus beau de tous, mais largement suffisant pour mes besoins.

Le cinquième jour, je prends la route à mon aise, j'ai décidé d'une étape courte, les pluies m'ont un peu "usé" surtout du côté des fesses qui souffrent un peu de vivre dans un cuissard humide. Je parcours donc une quarantaine de km vers une petite Fermoy, petite ville dont le charme m'échappe mais qui dispose de tous les commerces utiles à une bonne journée de repos que je prends le dimanche. Profitant d'un cyber café, je donne quelques nouvelles en Belgique et passe la journée à flâner dans la ville et le long de la rivière "Black Water".

Le septième jour, quand je me lève, je constate que l'altimètre barométrique de mon GPS qui indiquait 40 m d'altitude la veille, indique - 120 m… la pression est montée, il semble que l'anticyclone des Açores fasse enfin sont boulot. Effectivement, ce sera la première des étapes sans pluie, même si je prendrai quand même une petite douche le soir au camp. J'avais décidé de contourner Cork par le nord, mais à l'approche de la ville, j'évalue mal les distances et pénètre dans la banlieue. C'est moche, sale et peu engageant, je cafouille un peu pour en sortir et rejoindre finalement un camping à quelques km au nord de la ville.

Le huitième jour, j'ai prévu une étape plus longue, pour rejoindre le sud de la côte ouest et le pied des quelques Bigs locaux. Vers le cinquantième km, la pluie fait son apparition pour l'ascension sans histoire de "Pass of Keimaneigh", le seul col de la journée. Au bas de la descente à Keakill, un panneau attire mon regard, "Stone Circle", 1 km. Je décide d'un petit détour. Quelle drôle d'idée ! La route s'élève de 105 m en 1200 m, rien d'alarmant en soit, mais l'ascension s'effectue par paliers et les passages à plat alternent avec de courtes côtes aux pourcentages redoutables. La bulle de mon clinomètre montera jusqu'à la graduation 25%, belle partie de manivelles et d'équilibre avec un vélo lourdement chargé. Dans un des passages raides, je croise un Irlandais en voiture qui me demande : "Are you crazy ?" "Yes I am !" Je ne regrette pas mes efforts, le "stone circle" est mignon, mais surtout le paysage qui s'ouvre sur la baie de Bantry est magnifique. De là descente vers un camping sur la côte à Ballylickey, j'y rencontre quelques cyclo-campeurs mais les échanges sont assez limités à quelques informations parfois utiles sur les routes à suivre.

Le neuvième jour, je me lève tôt, le soleil est sorti et dès 7 h 30, il fait trop chaud dans la tente pour y rester, c'est bon signe. Je prends calmement la route vers le pied du troisième Big du voyage qui va s'avérer être un des plus beaux cols que j'ai eu l'occasion de grimper. Les pourcentages du "Healy Gap" sont relativement réguliers et pas trop raides. Le paysage par contre, la météo aidant, est splendide, les marmottes en moins on pourrait facilement se croire à 2000 m dans les Alpes. Je grimpe tout en douceur, ne sachant pas où donner du regard tellement c'est beau partout. Le "Healy Gap" est un de ces cols dont on regrette d'arriver au sommet, tellement on voudrait que ça se prolonge… Je suis totalement conquis et classe cette ascension dans mon "top 3" en compagnie du col de la Cayolle et de celui des Chavannes (Voir séjour à Barcelonnette et en Val d'Aoste). Je passe l'après-midi à flâner sur de petites routes vers Kenmare. La ville pourrait être jolie s'il n'y avait pas tant de monde, cela me fait un peu craindre les étapes dans cette région touristique. Je trouve un camping à quelques km de la ville. Pas le plus confortable de tous, la cuisine et les sanitaires ne sont ici qu'un simple hangar de ferme poussiéreux, mais le cadre est magnifique. Une immense prairie dans laquelle sont réparties quelques tentes toutes occupées par des Français (le Routard renseigne ce camp, il doit être un des seuls guides à le faire). En soirée, éclate un orage assez violent puis revient une météo clémente, je joue une petite partie de foot avec les trois enfants de mes voisins, ils sont d'Annecy, nous parlons un peu montagne.

Pour le dixième jour, j'ai prévu une randonnée sans bagages pour aller grimper un Big qui se trouve un peu en dehors de mon itinéraire général. J'ai donc monté ma tente, de sorte à ce que si le soleil sort, je sois à l'ombre le matin pour pouvoir un peu prolonger ma nuit. J'ai bien fait, il fait presque trop chaud… De bonne humeur, je démarre donc vers 10 h pour quelque 90 km qui devraient me permettre de passer deux cols et d'atteindre le sommet de Mullaghanish, un Big redoutable. Pour rejoindre son pied, je passe un petit col sur une grand route, vraiment pas à mon aise à cause des camions je suis content d'y trouver des pourcentages qui permettent une ascension rapide et facile. Au sommet, un panneau annonce 165 morts en 4 ans sur cette route, je suis content de la quitter pour entamer l'ascension de Mullaghanish. Les premiers km se grimpent en douceur et avec le vélo "à vide" j'ai un peu l'impression de voler sur le bitume. J'arrive à hauteur d'une barrière indiquant, route privée appartenant à la société irlandaise de télévision, accès interdit. Je n'aime pas ça, je me renseigne chez un fermier qui me confirme l'interdiction, mais me dit que je peux y aller quand même à vélo, mais que c'est "very hard and high"… ça je sais, c'est ce que je cherche. Je passe donc Grimp'tout par dessus la barrière et entame la grimpette, pourcentages heureusement irréguliers oscillant entre 8 et 15 pendant quelques km. Au fur et à mesure que l'on s'élève, le paysage s'ouvre sur de très larges étendues, magnifique. Au sommet, de nombreux panneaux d'interdiction de continuer, je fais donc demi-tour après avoir pris quelques photos. Dans la descente, je me méfie des moutons, nombreux sur le bord de la route, je fais bien, un agneau paniqué traverse la route juste devant mes roues pour rejoindre sa mère… Joli coup de frein et dérapage (aie, mon pneu indonésien tiendra-t-il à ce régime ?). Ouf ça passe ! De retour à la barrière, je fais une longue pause déjeuner avant de grimper en douceur un petit col sans nom à 2 km de là. J'entame ensuite le retour vers le camp par une autre route que celle du matin… Alors que je me fais copieusement rincer par un orage, je passe un dernier col sur une magnifique petite route. Le soir je profite de la cuisine pour recharger toutes les batteries du GPS, je ne me couche pas trop tard car l'étape du lendemain promet d'être longue et dure.

Le lendemain, je démarre en douceur la seule journée où il ne pleuvra pas la moindre goutte, il y a même un franc soleil. Je passe rapidement à Kenmare acheter quelques provisions et prend la route du premier col du jour, "Molls Gap" se grimpe en douceur sur une route aux pourcentages adaptés aux gros véhicules, en particulier aux bus de touristes, nombreux dans la région. Du sommet, j'emprunte de petites routes pour rejoindre le pied du premier Big du jour, Ballaghbeama Gap que j'enchaîne avec un deuxième Ballaghisheen Pass… Je ne sais pas ce que les ingénieurs qui ont tracé ces routes avaient fumé comme tourbe… mais j'ai une certitude aucun d'eux ne fait de vélo ! Sur 6 km d'ascension, les 4 premiers grimpent à peine, parfois descendent, ensuite la route s'élève progressivement pour franchir un mur dans le dernier km aux pourcentages redoutables… A nouveau, on pourrait se croire à 2000 m dans les Alpes, les marmottes ont été remplacées par des moutons peints en bleu, vert, rouge en fonction de leur propriétaire mais les paysages sont à nouveau dignes de ceux des grands cols. Je profite pleinement de la journée sous une météo plus que clémente qui me vaudra même un léger coup de soleil le soir. Du sommet du deuxième Big, je rejoins le pied du dernier de la journée, Coomakesta Pass , celui-ci est heureusement nettement moins raide que les deux premiers et je le passe à mon aise en aller-retour… pour rejoindre en fin de journée un camping à Caherciveen. J'y arrive fatigué par 105 km de route et suis content de pouvoir parler français à la réception. Le soir, je m'offre un petit restaurant et termine le repas par mon premier Irish coffee du voyage, c'est vrai que c'est bien meilleur sur place que les imitations que l'on trouve sur le continent. Je passe une bonne fin de soirée avec trois étudiants belges et deux françaises et me couche assez tard.

Le treizième jour, j'ai rêvé du ferry qui traverse la baie de Dingle et que renseigne ma carte. Celui-ci ne circule plus que quelques jours par an quand le capitaine pense à sortir du Pub ! Je suis donc bon pour une longue étape peu dénivelée mais sur des routes relativement importantes. Le soir, j'ai fait 21 km a vol d'oiseau mais j'en ai roulé plus de 100, la moitié environ avec le vent dans le dos, l'autre avec le vent de face. J'ai envie de prendre une journée de repos le lendemain, dans un premier temps, j'y renonce le camping n'étant pas vraiment à mon goût. Je passe une assez mauvaise nuit, jusqu'à trois heures du matin, quelques Anglais éméchés chantent aussi faux que Renaud et moi… Ce n'est pas peu dire ! Je trouve enfin le sommeil pour me faire éveiller vers 5 h du matin par une tempête je sors de la tente pour installer les tendeurs que j'avais "oubliés", selon mon habitude. Dans le camp, seules trois tentes résistent vraiment au vent, les autres ont pris des formes étranges très déformées. Ma nouvelle toile résiste sans problème, je suis content que la vieille ait rendu l'âme avant le voyage… Aurait-elle encore tenu le coup cette nuit là ? J'en doute sérieusement… Je me lève finalement vers 10 h et décide de quand même prendre une journée de repos, le vent étant encore trop fort pour que j'aie le courage de prendre la route. Je passe une bonne heure au cyber café de Dingle pour donner quelques nouvelles en Belgique. Le reste de l'après midi, je le passe à flâner en ville puis le long de la côte d'où j'observe longuement un dauphin dans la baie. Je pense même apercevoir au loin un phoque, mais je n'en ai pas la certitude.

Le quinzième jour, je démarre lentement, le Conor Pass, seul col du jour s'annonce redoutable… Les commentaires que m'ont faits les automobilistes rencontrés me font craindre le pire. En fait, rien de terrible et je grimpe facilement à un rythme de promenade. Au sommet, un joueur de harpe irlandaise donne un petit concert, je reste une bonne demi-heure à l'écouter dans le vent… Sa musique est magnifique dans ce cadre et je lui achète un CD. Quand je commence à prendre froid, je décide d'entamer la descente. J'emprunte ensuite de petites routes pour rejoindre Ballybunnion, dernier camping renseigné par ma carte avant la traversée de "Shannon river". Après 90 km, j'arrive à celui-ci vers 17 h… La réception n'ouvre qu'à 18 h et j'ai un gros doute. L'impression que le camping accepte uniquement des caravanes… Je décide de quand même tenter ma chance. A 18 h le fort peu sympathique propriétaire me confirme mes craintes… pas de tentes chez lui. Selon les renseignements que j'ai pu obtenir, le dernier bateau sur "Shannon river" est à 19 h 30 et à 28 km de là. Il ne faut pas traîner si je veux l'avoir. Je parcours les 28 km vers Trabert à fond sur la plaque, rien vu du paysage, je donne mon maximum. En 1 h 10, la distance est avalée sous la pluie, ce qui doit, en dehors des descentes de grands cols, constituer pour moi un record avec les sacoches sur le vélo. Finalement, il y a bien un bateau à 19 h 30 mais ce n'est pas le dernier. Sur le bateau, je discute avec un Français de nancy qui fait son premier voyage à vélo. Il s'est construit une machine avec des pièces de différents cycles dont un cadre "dame" qui se tord en danceuse dans les cols... dur dur en Irlande. Il pense investir l'année prochaine dans un vrai vélo de voyqge, pourquoi pas un petit frère de Grimp'tout... Je lui laisse les coordonnées de Cyclosite. De l'autre côté de Shannon River, il reste environ 8 km pour un camping, je les fais tout à mon aise. Au camping, le propriétaire n'a pas le change pour mon billet de 20 euros, si bien que je passe une nuit gratuite. Je monte rapidement ma tente et prépare mon dîner. Les 134 km de la journée constitue pour moi un record aussi. Ce sera la plus longue des étapes du voyage, la journée de repos de la veille est déjà bien loin.

Quand je me lève, le lendemain, le ciel est plombé, mais il ne pleut pas encore… je démonte la tente et prend la route, à peine ai-je fais 5 km que la pluie fait son apparition, elle ne me quittera plus de la journée qui s'annonce rude. Sous la douche, la visibilité est très réduite, si bien que je passe la journée le nez dans le guidon à ne penser qu'à une seule chose… avancer, il fait peut-être meilleur plus loin. Après quelques km, un chauffard m'oblige à un freinage d'urgence fort appuyé. Mon pneu indonésien, déjà bien usé par le tarmac irlandais, généralement très abrasif est maintenant "à la toile", si je veux continuer, il faut le changer… pour son petit frère. Journée galère…Au programme aussi, un Big, "Cliff of Moher", le sommet de celui-ci est atteint dans le brouillard complet sous une bruine plutôt froide, je ne traîne pas, même pas tenté d'aller faire une petite pause près des joueurs de cornemuse qui se trouvent là. Vers la fin de la journée, frigorifié, j'arrive à Corrofin, je monte ma tente sous la pluie. Celle-ci installée, je prépare mes affaires pour aller prendre une bonne douche et me réchauffer quelque peu. Un anglais arrive chez moi avec une bonne tasse de café bien chaud, "I think you must be cold", "Yes I am". Je ne sais comment le remercier tellement son café est un bonheur, j'ai l'impression d'arriver dans un petit paradis. Après la douche, enfin habillé de vêtement (presque) secs je vais faire quelques courses et passe boire un Bulmers au Pub. Un concert de musique irlandaise s'y tient le soir à 22 h et je me promets d'y revenir. Le concert s'avérera fort sympathique, même si, trop fatigué, je le quitte avant la fin.

Grimp'tout commence à être aussi fatigué que moi, voir plus. Il y a environ 5000 km que mon vélociste préféré m'a dit que je devais changer de transmission, que mon plateau intermédiaire était usé et que la chaîne était loin. En fait de plateau usé, il ne l'était pas encore tout à fait… Maintenant si ! Dès que je tente un passage un peu en force sur le "34 dents" la chaîne patine… si bien que j'en arrive doucement à ne plus pouvoir utiliser que mes plateaux extrêmes et à devoir croiser beaucoup plus ma chaîne, pourvu que celle-ci ne casse pas avant Dublin.

Le dix-septième matin, je décide une étape tout à mon aise d'une longueur raisonnable (74 km), l'objectif est d'atteindre un pont sur Shannon River au sud du lac à Killaloe pas de pluie sur la route mais seulement à l'arrivée, mais surtout, grâce au séchoir électrique du camping, j'ai pu démarrer le matin avec des vêtements de route vraiment secs. Quel bonheur ! Le soir, je profite de l'accès gratuit à Internet dans la bibliothèque du village pour donner quelques nouvelles. Je rejoins ensuite le camp et passe une bonne nuit sous la pluie après avoir un peu exploré les Whiskey au Pub du camping.

Le dix-huitième jour, il pleut toujours le matin quand je démonte ma tente, je prends quand même la route mais je n'en peux plus… A force de vivre dans des vêtements humides de pluie j'ai commencé à développer quelques mycoses crevassantes, en particulier aux mains. J'avais, par expérience, traité préventivement mes chaussures et mon cuissard mais pas mes gants. Grosse erreur ! Après 33 km sous la pluie, je craque, je décide de me réfugier dans un petit restaurant indien qui offre un lunch à un prix très démocratique et d'ensuite prendre le train pour Portlaoise, où selon Michelin édition 2004, il existe un camping. En fait, le camping est fermé depuis 1999, merci Michelin. Je mets donc beaucoup de temps à finalement le localiser et parviens à négocier avec le propriétaire le droit de dormir dans son champ. Il m'ouvrira pour la nuit un accès à un robinet, une prise électrique et une toilette. Tout ce qu'il faut pour recharger mes batteries et passer une nuit confortable. La douche chaude me manque un peu mais qu'importe.

Les Irlandais ont une notion très particulière du bon temps, le matin, alors que le ciel est affreusement gris et menaçant mais qu'il ne pleut pas (encore), une vendeuse me dit, "Nice Weather today" avec enthousiasme… A peine ai-je entamé la route qui devrait me mener au dixième et dernier Big du voyage que je me fais à nouveau rincer… C'est la pluie de trop… J'abandonne retourne à la gare et prend le train pour Dublin. En passant devant l'aéroport, avec trois jours d'avance par rapport à la date de mon billet, je décide de quand même tenter ma chance… si je peux prendre un avion, je rentre en Belgique. Moyennant un supplément à payer je peux facilement changer mon billet. Démonte Grimp'tout dans le Hall et enregistre mes bagages. Mon sac qui à l'aller pesait 20,0 kg en fait maintenant 21,9… pourtant son contenu est identiquement le même, à l'exception d'1,9 kg d'eau de pluie stockée dans mon matériel et mes vêtements. Décollage de Dublin sous un ciel plombé… l'avion traverse successivement quatre couches de nuages avant d'atteindre un ciel parfaitement bleu… Il y a de la marge de manœuvre, il n'est pas près de faire beau en Irlande.

A partir de Londres, le ciel se dégage partiellement et je peux aisément voir la City et l'embouchure de la Tamise. Ensuite, pour la première fois, j'atterris à Bruxelles par beau temps et je distingue facilement quelques éléments du paysage, le port de Zeebrugge, l'estuaire du Zwin, le sud du plan delta néerlandais, les villes de Brugge, de Gent et d'Anvers…

Content d'être enfin sous un toit au sec, je peux retrouver la famille et me soigner un peu les mains. Ce voyage fut vraiment magnifique mais assez difficile d'un point de vue cycliste, si le Keutenberg néerlandais est une côte de cirque, alors certains coins de l'Irlande correspondent au festival de Monaco ! Et les conditions climatiques n'arrangent rien. L'année prochaine c'est promis, je vais au chaud, au sud, beaucoup plus au sud.

Le voyage en quelques chiffres :
17 journées de vélo pour 1287,5 km et 11601 m de dénivelée positive.
2 pneus arrière à la poubelle.
1 seule journée totalement sans pluie.
1 plateau et 34 dents usés complètement.
Plus de 500 photos à trier.
Quelques Bulmers, Whiskeys et Irish coffee…

Toutes les images qui illustrent ce voyage et quelques autres sont en grand format dans les galeries

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